(Bài điểm sách của André Haudricourt)

La Pensée
số 173, 1974. Tr. 136

TRAN DUC THAO:
Recherches sur l'origine du langage et de la conscience

Paris: Editions sociales, 1973

Ce philosophe vietnamien n'est pas un inconnu pour les lecteurs de «La Pensée ». Ce sont les articles parus en 1969-70 dans les N° 147, 148, 149 de notre revue qui forme la première partie de l'ouvrage que nous recensons.

Je crains que ces articles n'aient pas eu le retentissement qu'ils méritaient, et le titre trop modeste de l'ouvrage pourrait gêner sa diffusion. Il s'agit en réalité d'exposer les stades du passage de l'anthropoïde du tertiaire à l'homme du mésolithique en les comparant aux stades de l'enfant entre un an et six ans.

L'utilisation pour l'anthropologie de la loi de récapitulation dans l'évolution individuelle de l'évolution de l'espèce fournit une foule d'hypothèses de travail qui devraient être discutées dans chaque discipline: anthropologie physique, anthropologie sociale, préhistoire, linguistique. Malgré mon peu de compétence (je suis un linguiste des langues, et non du langage), je vais essayer de résumer ce que nous présente Trân Duc Thao.

Le premier stade est celui de l'acquisition de la station verticale qui libère la main, correspondant à celui de l'enfant de douze à quatorze mois. La station verticale développe le fonctionnement du larynx (la salive pourrait couler dans les poumons), elle provoque des accouchements prématurés, activant l'évolution par pédogénèse. Les préhominiens de cette période (australopithèques) avec leurs mains choisissent les cailloux utilisables et communiquent par des gestes d'indications correspondant à des «mots-phrases»... Les nouveaux-nés «prématurés» ne peuvent pas s'accrocher à la mère, celle-ci doit les tenir dans les bras, amorçant une division sexuelle du travail dans la horde. La marche est plantigrade: talon d'abord.

Le stade suivant correspond aux premiers outils taillés sur une face : «Kafouen» (étage préhistorique d'Afrique orientale) et à l'enfant de 16 à 18 mois.

Le langage est au stade de la «pseudophrase»: combinaison de deux signes-mots.

La modification des os du bassin améliore la marche qui peut se faire la pointe du pied d'abord, mais augmente la mortalité des femmes au moment de l'accouchement.

La diminution des femmes nubiles accentue la différence entre les hommes utilisateurs de femmes et les célibataires.

Le troisième stade correspond aux outils taillés sur deux faces: «Oldovien», à l'Homo habilis, et à l'enfant de 20 à 24 mois. Le langage est maintenant en vraies phrases et apparaît la distinction noms-verbes. L'activité de jeux des célibataires est un facteur important de progrès technique.

Le quatrième stade est celui des outils taillés sur toute la surface, de l'Homo faber primigenius (sinanthrope, pithécanthrope) à marche normale (pour nous), correspondant à l'enfant de 2 ans 1/2 (30 mois. Les célibataires ont imposé la communauté des femmes. C'est le chelléen, début du paléolithique inférieur.

Ensuite la dissolution de la communauté primitive, par l'apparition du mariage endogame, à l'époque moustérienne (homme de néanderthal, et homo sapiens) correspond à l'enfant de 3 ans et à son complexe aedipien. Les termes de parenté apparaissent dans la langue.

Au paléolithique supérieur, l'amélioration des conditions de vie permet l'apparition des vieillards, tandis que la concurrence sexuelle des jeunes est réprimée par la circoncision (et l'excision): la polygamie apparaît. Cela correspond aux enfants de cinq ans et à leur complexe de castration.

Enfin au mésolithique (correspondant à l'enfant de six ans), c'est le clan exogame.

J'avoue n'avoir pas saisi comment les événements d'évolution sociale du paléolithique ont pu s'inscrire dans le patrimoine héréditaire de l'humanité pour engendrer chez les enfants les complexes susnommés. J'espère que l'auteur nous donnera des explications plus détaillées sur ces phénomènes, qui ne sont pas encore bien clairs pour les non-spécialistes de mon genre.
 

André HAUDRICOURT.